Ce post est la suite notre série sur l’équation de Kaya “Une équation prédit l’enfer sur terre, mais que dit-elle au juste?“.
Aujourd’hui, nous cherchons à répondre à la question suivante : Si vous n’appartenez pas à la catégorie des climato-sceptiques et que conséquemment vous souhaitez réduire les émissions carbone de l’humanité, comment allez-vous vous y prendre?
Il convient en premier lieu de déterminer votre objectif en terme quantitatif! En effet, il ne suffit pas de réduire un peu le CO2 pour avoir un effet suffisant. Les dernières prévisions des climatologues peuvent se résumer en deux points principaux. Premièrement, même si l’on stoppe toute émission de CO2, le réchauffement va se poursuivre encore plusieurs centaines d’années avant que l’environnement ait pu re-capturer tout le carbone en excès. Deuxièmement, le réchauffement apparent récent est anormalement faible, toute une série de facteurs se sont conjugués (dont le cycle solaire faible dont je vous parlais dans mon post du 19 juillet J’enlève et il y a plus ???), il est impossible de prédire précisément quand ce freinage va disparaître, mais deux choses demeurent, soit que l’on parle ici de dizaines d’années tout au plus, et qu’une fois le “frein” enlevé, nous devons nous attendre à un véritable emballement.
Donc, si nous voulons rester cohérents, il ne s’agit pas de diminuer quelque peu le côté CO2 de l’équation, mais bien de l’approcher le plus possible de zéro (oui 0=0!). Et pour mettre la formule à zéro qui est une suite de multiplication, il “suffit” de tirer un facteur vers zéro sans qu’un autre facteur diverge vers l’infini.
Dans une approche plus modérée, le consensus des climatologues décrit une nécessité de diminuer d’au minimum un facteur 3 nos émissions d’ici 2050. Il semble utile ici de rappeler que ce consensus date d’avant l’étude de l’EPFZ conjointe avec l’université de Princeton et que régulièrement les prévisions sont révisées vers le pire. La réflexion qui suit sera imaginée sur soit aller franchement vers le zéro ou alternativement diviser par 5 (substitution au facteur 3 ci-avant et déterminé insuffisant) nos émissions totales, ce qui, dans l’état de la technique et de l’économie mondiale, revient pratiquement au même.
Pour une fois, changeons nos habitudes et lisons de droite à gauche l’autre côté de l’équation. Donc si nous voulons faire tendre vers 0 le terme CO2, nous avons comme première possibilité de faire tendre vers 0 également la population mondiale. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi cette perspective n’est pas du tout réjouissante, mais alors pas du tout.
Ils sont fous ces humains, aurait dit Obélix!
En poussant un peu plus la réflexion sur cet aspect précis, nous avons deux sous-options à disposition. On peut envisager d’introduire un contrôle strict des naissances pour réduire la population en quelques générations avec à la clef une conséquence vraisemblablement insupportable sur la pyramide des âges et donc notre système de prévoyance vieillesse, sans même parler des horreurs générées par un tel contrôle politisé des naissances.
L’autre variante consisterait à s’organiser un petit génocide de derrière les fagots pour ridiculiser Hitler, Staline, Pol Pot, et quelques autres abominables que j’oublie, une bonne fois pour toute. Cette solution présenterait un avantage d’efficacité évident, mais encore une fois je ferai tout ce qui est dans la mesure de mes modestes moyens pour éviter l’ouverture des portes de l’enfer. Je sais bien qu’envisager une telle option n’est pas drôle du tout, et je m’excuse auprès des lecteurs choqués, mais vous comprendrez en lisant la réflexion symétrique pour les climato-sceptiques que cela n’est pas anodin du tout.
En clair, il nous faut admettre que la population mondiale ne va pas baisser. Au contraire les prévisions des démographes nous annonçant une population mondiale en croissance jusque vers 10 milliards d’individus environ avant stabilisation doivent être prises en compte dans notre équation. Le corollaire est que comme résultat intermédiaire, nous n’avons pas une baisse du total de la formule et donc du C02, mais au contraire une hausse d’environ 40% (nouveau CO2 = ancien CO2 divisé par 7 milliard d’habitants mais multiplié par 10 milliards de nouveaux habitants 7 + 40% de 7 ==> 10).
Passons maintenant au terme PIB/POP. Pour mettre ce terme à zéro, le PIB doit tendre vers zéro également. Donc en clair et français, le niveau de vie moyen de la planète devrait s’effondrer pour s’approcher autant que possible du “à peu près rien”. Soyons clairs, personne ne souhaite cela, et même si un “despote éclairé” cherchait à imposer une telle évolution, tout le monde sait que cela générerait des émeutes puis une guerre civile totale.
A l’heure actuelle, les économistes, de gauche comme de droite, affirment tous qu’une croissance est nécessaire pour maintenir nos équilibres sociétaux. A nouveau, nous n’avons rien réussi à perdre mais sommes de nouveau en train de “gagner”, ce qui pour une fois ne nous arrange pas du tout.
Ensuite, nous pouvons travailler sur la quantité d’énergie nécessaire pour générer chaque unité de PIB. Sur cet aspect précis, il y a matière à gagner quelque chose, cela s’appelle l’efficience énergétique. Malheureusement, il y a une limite à ce qui est possible ici. L’expérience des années passées nous montre qu’il a été possible d’obtenir une réduction d’environ 30% en à peu près 40 ans.
Nous pouvons essayer une prévision très optimiste, mais alors vraiment très optimiste, en disant que nous allons réussir l’exploit de diminuer ce facteur du même ordre de grandeur que l’évolution spécifique du passage des ampoules à filament à celles à basse consommation soit un facteur 5 en ordre de grandeur. Non seulement, cette prévision, transcrite sur l’ensemble de toute la technique, est à ce point si optimiste qu’elle en devient peu crédible, surtout si l’on prend en compte qu’usuellement les premiers gains d’efficacité sont les plus faciles à obtenir, mais quoiqu’il en soit, il se rajoute un méchant effet pervers qui va bien nous embêter.
En effet, plus une technologie devient efficiente plus elle a tendance à se démocratiser. Dès lors chaque unité individuelle consomme effectivement moins voir beaucoup moins, mais comme il y en a de plus en plus, la multiplication de l’un par l’autre ne représente pas une diminution mais une augmentation! On pourrait citer l’exemple des téléphones portables en faisant la comparaison avec la valise de 1990 contre le smartphone de 2013. La consommation doit bien avoir été divisée par un facteur 20 (à l’œil), mais comme de l’autre côté le nombre de téléphones portables a augmenté d’un facteur 1000 (au bas mot) /20 * 1000 représente toujours une consommation supplémentaire d’un facteur 50!!!
Dès lors, il est difficilement contestable que ce facteur Etot/PIB ne nous offrira aucun secours non plus, ou alors si faible qu’il en sera presque négligeable.
Au final, il nous reste donc que le facteur CO2 / Etot pour réussir à tirer l’ensemble de notre équation vers zéro. En première lecture, on ne voit pas d’impossibilité absolue à tirer rapidement en bas ce dernier facteur de notre formule. Simplement, si l’on met en relation l’importance de l’effort à fournir pour réellement limiter au moins les dégâts les plus graves, avec la réalité de l’évolution des ENR (énergies renouvelables) sur le terrain, on se rend très vite compte que nous faisons complètement fausse route à l’heure actuelle.
Si comme imaginé plus haut, nous devrions viser, en ordre de grandeur, de diviser par 5 nos émissions d’ici 50 ans maximum, et de nous approcher de zéro d’ici 2100 pour être crédible dans une démarche visant à sauver le climat de la planète voir la planète tout simplement; et comme au vu des explications données ci-dessus, il faut s’attendre à une péjoration cumulée des autres facteurs d’environ 2*, il faudrait donc, pour obtenir notre diviseur final de 5, en réalité diminuer notre ratio carbone/kWh d’un facteur 10 d’ici 2050. En clair et français, en partant de la supposition qu’il restera quelques domaines offrant des facteurs de résistance importants pour des raisons techniques ou autres, cela signifie que nous devons planifier de passer au quasiment tout renouvelable d’ici 40 ans au maximum.
La réalité du terrain diverge malheureusement très fortement de cet objectif. Des freins immenses et de toutes natures existent encore aux renouvelables d’un côté, de l’autre des groupes de pression cherchent, par exemple, à faire passer le gaz de schiste comme une solution pour défendre le climat (si, si !!),
Dès lors, sans une prise de conscience réelle, rapide et de grande ampleur, nous pouvons sans risque de nous tromper annoncer des catastrophes climatiques toujours plus graves avec toujours plus de morts et dévastations à la clef. Selon la banque mondiale les pertes dues aux catastrophes naturelles ont quadruplé en 30 ans, alors bien que les effets du réchauffement actuel ne sont qu’un pâle avant-goût de ce qui nous attend!
Dans notre prochain post, nous poursuivrons la réflexion en posant comme postulat que le réchauffement climatique n’existe pas ou ne représente pas un problème.
Laurent-David JOSPIN
Sources :
Science & Vie, janvier 2014 N° 1156, “on sait quand le climat basculera dans l’inconnu”
Science & Vie, Décembre 2013 N° 1155, “Réchauffement, mais où est-il donc passé?”
Nature Climate Change, Swiss Federal Institute of Technology Zürich + Princeton University, “continued global warming after CO2 emissions stoppage”
ETHZ, 25.11.2013, Fabio Bergamin, “Underestimated future climate change?”
Banque Mondiale, Novembre 2013, rapport dans le cadre de la conférence sur le climat à Varsovie.
ainsi qu’un emprunt à Astérix et les jeux olympiques dans le cadre du droit de citation