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NON AU TUNNEL TUEUR !!

Le débat pour ou contre le 2ème tube au Gothard s’enflamme et les partisans du oui, manifestement acculés dans leurs derniers retranchements, nous assènent un argument ultime et très émotionnel : la sécurité, les accidents, un incendie dans un tunnel, bref une masse de cadavres à éviter.

Et bien permettez-moi de vous annoncer que même ici il s’agit d’un énorme mensonge, car ce fameux 2ème tube présente toutes les caractéristiques d’un tueur en série.

Détaillons tout cela et comparons les gains et les pertes.

Bien évidemment, la séparation des pistes dans deux tubes distincts amène un gain localisé. Mais concrètement de quoi parle-t-on ici. Les statistiques de l’Office Fédéral des Routes nous montrent une économie potentielle de 25 morts (voir note) lors d’accidents routiers depuis la mise en exploitation en 1980 (soit donc 0.7 mort par année en moyenne). Il ne semble pas inutile de rappeler que le maximum de mort a été provoqué par le fameux incendie de 2001. Or ce scénario ne devrait plus se reproduire puisque suite à cette catastrophe le tunnel a profité de nombreuses améliorations dont un système de ventilation incomparablement plus performant ainsi qu’un “compte goutte” espaçant les poids lourds. Plus récemment encore, il a  été équipé de portails détectant toute chaleur excessive de poids lourds et bloquant tout cas dangereux avant son entrée dans le tunnel. Dès lors considérer un gain de sécurité de 0.7 morts par an relève déjà presque d’un abus de langage, puisque les mesures de sécurité prises depuis cet accident de 2001 contribuent déjà à faire baisser ce chiffre.

Soit, me direz-vous mais tout gain aussi faible soit-il reste bon à prendre quand on parle de vies humaines. Et bien pas forcément, car de l’autre côté, il y a aussi des pertes. Si les pertes dépassent les gains, la conclusion s’impose d’elle-même!

En premier lieu, on peut mentionner les morts qui découleront du chantier lui-même. Les partisans du 2ème tube nous diront qu’il s’agit d’un sacrifice nécessaire, qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, que cela n’est pas sûr et qu’au final nous y gagnerons. La suite de cette réflexion montrera le contraire, et on rappellera que la construction du tunnel de base a coûté 9 vies humaines auxquels s’ajoutent 3500 blessés soit une létalité supérieure à 12 ans d’exploitation du tunnel actuel.

Le rapport “Points noirs sur les routes nationales entre 2012 et 2014” de l’Office Fédéral des Routes (OFROU) le montre, on ne peut plus clairement, le tunnel du Saint-Gothard n’apparaît qu’en 33ème position des points accidentogènes de notre pays; position dont il faut encore préciser qu’elle était particulièrement mauvaise sur cette période. Ceci signifie concrètement qu’il y a au minimum 32 autres tronçons routiers générant plus d’accidents et en général encore davantage. La sagesse populaire le résume simplement, on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre! Si 3 milliards sont investis, non dépensés, toujours non gaspillé en fait, au Gothard, ils manqueront forcément ailleurs, et donc en toute logique ils manqueront à un endroit tuant plus de gens! Les affirmations de certains politiciens pro-tube à la limite de la malhonnêteté comme quoi il y a assez d’argent pour tout relèvent d’un aveuglement grave. Rappelez-vous la population a refusé sèchement une hausse de la vignette autoroutière pourtant pas si méchante que cela (60.– par année). L’initiative populaire “vache à lait” pourrait encore bouleverser nos si fragiles équilibres dans les transports et conduire à une catastrophe induisant un blocage total du système. En clair et en français les 3 milliards gaspillés au Saint-Gothard conduiraient rien que sur cet aspect à une hausse globale des accidents et partant donc des victimes, si l’on se donne seulement la peine de regarder l’entier du réseau et comment l’argent gaspillé eut pu être mieux utilisé.

L’économie en terme de vie humaine possible grâce à la réaffectation de ces 3 milliards dépendra bien évidemment de quels points noirs bénéficieraient de cette manne comme de la solution retenue. En 2014, 243 personnes ont perdu la vie sur les routes suisses. Ce chiffre peut paraître faible, mais il faut garder à l’esprit que simultanément plus de 21’000 personnes ont été blessées dont 4’000 grièvement. Utilisés de manière judicieuse, les 3 milliards discutés devraient aisément permettre d’éviter une dizaine de morts par année et une centaine de blessés.

On le voit très clairement sur l’image suivante (source : Sonntagszeitung), il y a si peu d’accidents au Gothard en proportion du total (accidents 2011-2014) que l’on doit chercher son emplacement précis !

La réflexion qui précède part de l’idée que “toutes choses resteraient égales par ailleurs”. Or ceci est clairement faux! L’ouverture de ce 2ème tube conduirait inévitablement à un accroissement du trafic et même un très fort accroissement du trafic poids lourds. Plus de véhicules sur les routes et tout spécialement de camions signifie plus d’accidents partout! Le rapport BPA (Bureau de Prévention des Accidents) sur l’opportunité de construire un 2ème tube au Gothard le dit clairement : un faible accroissement du trafic, 3% dans le cas d’espèce, suffit à faire perdre l’avantage sécuritaire gagné par un tube supplémentaire et 6% conduisent déjà à une aggravation claire. Comme les experts les plus prudents s’attendent à une augmentation de l’ordre de 30% des poids lourds transitant à travers notre pays sur l’axe Bâle-Chiasso, nous pouvons garantir que ces 6% seront dépassés et donc le bilan en terme de conséquence humaine présentera des chiffres négatifs ici aussi sans même considérer un meilleur usage possible des fonds.

La cerise pour couronner le gâteau est presque parée de la cape d’invisibilité d’Harry Potter. De la poussière si petite, si insignifiante, qu’elle fût baptisée particules fines. Juste dommage qu’elle vous inflige cancer, maladie cardiovasculaire, et autre joyeusetés sans vous prévenir. L’OFEV le dit dans son rapport “Environnement Suisse 2015 chapitre 10 Air”, la pollution atmosphérique conduit à 3’000 décès prématurés par an et à une charge sur les frais de la santé publique de plus de 4 milliards également par an (à titre de comparaison les primes d’assurance maladie payées par l’ensemble des citoyens se situe un peu en dessus de 30 milliards par année). Certes le trafic n’est pas seul en cause, mais il y contribue de manière décisive notamment pour les particules ultrafines considérées depuis peu comme les plus nocives car pénétrant plus profondément dans l’organisme.

Ne tergiversons pas : mettre en place une structure amenant plus de trafic induira plus de pollution, qui elle-même apportera son lot de morts et de maladies graves. Il ne semble pas inutile de rappeler ici que le Tessin, soit disant bénéficiaire principal de ce deuxième tube, est déjà particulièrement touché par ce problème de pollution aux particules fines. Si l’ensemble de la Suisse subissait les mêmes conditions, nos primes maladies grimperaient de 10 à 15%, et plus grave encore le nombre de morts prématurés doublerait pour atteindre un chiffre avoisinant les 6’000 décès par année. Vouloir imposer une aggravation à la population tessinoise relève plus de la volonté criminelle que de l’erreur politique.

Résumons-nous, ce deuxième tube ne sauvera en réalité personne puisque son faible gain sera plus que perdu par les conséquences de l’accroissement du trafic, nous perdrons quelques vies humaines durant la construction, la meilleure utilisation possible des fonds aurait permis de sauver facilement 10 fois plus de vies humaines ailleurs, et enfin la pollution induite tuera encore de nombreuses personnes tout en fragilisant la santé de beaucoup plus encore.

Bref, j’accuse sans la moindre hésitation les partisans du 2ème tube, qui jouent actuellement la carte émotionnelle à fond en nous présentant à toutes les occasions les images de l’incendie conséquence de l’accident de 2001, soit d’incompétence totale ou alors de mauvaise foi criminelle.
Oui ce 2ème tube représente une menace réelle pour le bilan global de notre sécurité routière. De manière, certes partiellement indirecte mais bien réelle, il tuerait bien plus de vies qu’il n’en sauverait. Je suis prêt à accepter l’argumentaire de la sécurité maximale, mais alors un peu de cohérence s’il vous plaît, et constatez que ce projet brisera des vies, des familles et je m’interroge s’il n’y a pas une confusion sur ce que nous creuserions ici, un tunnel ou une fosse commune ?

Laurent-David Jospin

Note : le chiffre précédemment évoqué ici de 36 morts incluait des morts non routiers (par exemple lors de la construction), qui ne doivent pas être pris en compte pour le calcul de l’économie possible au niveau pure de la circulation.

Sources :
Office Fédéral de l’environnement OFEV, rapport environnement suisse 2015
Bureau de Prévention des  accidents, Tunnel routier du Saint-Gothard, répercussion d’un tunnel bi-tube en terme de sécurité routière
ainsi que les sources de la publication Un 2ème tube synonyme de triple gaspillage

Un 2ème tube synonyme de triple gaspillage

Le 2ème tube imaginé par un parlement visiblement manipulé par un lobby qu’il est inutile de nommer conduirait à un gaspillage de ressources financières plus utiles ailleurs sur le réseau autoroutier, un gaspillage de l’argent investi dans les NLFA, et enfin un gaspillage énergétique conséquent.

Dans ce post, j’aimerais vous montrer que ce troisième gaspillage, même si moins spectaculaire que les deux autres, reste très lourd. On parle ici des camions qui se précipiteraient pour profiter de ce 2ème tube au lieu de passer par la solution ferroutage (transfert des camions par le train) chèrement payée par le peuple suisse, en passant 24 milliards quand même, mais ne soyons pas chiche que diable.

Un camion qui doit faire toute l’ascension pour arriver à l’entrée du tunnel autoroutier consomme une quantité appréciable d’énergie supplémentaire que nous allons un peu détailler ici.

Donc, si nous faisons l’effort de nous rappeler nos cours de physique élémentaire, nous pouvons poser que l’énergie perdue par la montée inutile d’un camion correspond en premier lieu à la différence d’énergie potentielle soit

E=MgH

ou M = le poids du camion considéré, g = 9.81, et H = la différence d’altitude entre le tunnel de base ferroviaire et celle du tunnel routier soit 1150 m – 550 m = 600 m.

Pour le poids du camion entre les courses chargées et celles à vide, nous retiendrons un poids moyens de 30 tonnes soit 30’000 kg.

Bref E = 30’000 * 9.81 * 600 = 176’580’000 Joules.

Oui mais le moteur thermique ayant permis cette ascension présente une efficacité toute sauf idéale. Entre la déperdition en chaleur, les frottements et autres, on considère en général qu’un tel moteur présente un rendement de 30 %.

Ceci signifie que pour obtenir l’élévation d’un seul camion depuis l’altitude du tunnel ferroviaire jusqu’à celle du tunnel routier, il nous faut produire bien 588’600’000 Joules (dont les 30 % nous donneront l’énergie physique calculée avant).

Pour information 588’600’000 Joules correspondent à 163.5 kWh ou grosso modo 16 litres de diesel pour camion.

A noter : nous “oublions” l’énergie nécessaire pour le déplacement horizontal durant cette phase (Oubli 1 = O1) ainsi que l’énergie nécessaire pour les ralentissements suivis d’une ré-accélération (O2) qui peut être très importante selon la fréquence de ces perturbations, jusqu’à multiplier la consommation par un facteur supérieur à 3! (source : selon Mercedes 2 arrêts-re-démarrages par km parcouru suffisent déjà à multiplier par 3 la consommation). A ce sujet des perturbations de trafic, je vous encourage à relire mon post sur les effets catastrophiques d’un 2ème tube pour la fluidité du trafic ici http://www.famillejospin.ch/ouvrirlesyeux/?p=875.

Ensuite notre camion va traverser le tunnel de 17 km avec une consommation de 30 litres au 100 km (pour un camion déjà raisonnablement moderne) soit en arrondissant vers le bas 5 litres de diesel ou 50 kWh (ou 180’000’000 Joules pour les puristes).

A la fin le camion va encore redescendre de la montagne, et dans un but de simplification, nous considérerons que cette dernière consommation + O1 + O2 sont au minimum supérieurs à l’énergie nécessaire à déplacer le train portant le camion calculée au prorata de chaque camion (les trains sont très efficients sur le plan énergétique). A priori cette simplification se réalise au détriment du train qui augmenterait encore un peu son avantage ici.

Sans même dire que nous n’avons pas considéré l’entier du trajet Bâle – Chiasso pour lequel un camion (toujours raisonnablement moderne) consommera environ 120 litres de diesel alors qu’une fraction de cette énergie aurait été utilisée dans une version ferroutage. Ce point fera l’objet d’un autre post, mais vous pouvez déjà être sûr que si nous envoyons le mauvais signal d’un 2ème tube, nous pouvons quasiment passer en perte et profit l’investissement des NLFA y compris le fameux corridor de 4 mètres.

Bref un SEUL camion choisissant de ne pas prendre la solution ferroutage mais de grimper la montagne (et encore, on ne parle pas du col ici!) gaspille au minimum 21 litres de diesel ou 213.5 kWh (le chiffre réel sera bien plus élevé selon les explications et remarques qui précèdent).

Prenez maintenant en compte le trafic annuel de globalement 1’000’000 de camions (chiffre qui grossirait encore pour sûr avec l’ouverture d’un 2ème tube), et vous arrivez à ce total exorbitant de 21’000’000 litres de diesel gaspillé – qui reste toujours sous-estimé –  pour rien en fait puisque dans l’une et l’autre solution les camions se retrouvent au même endroit à la fin.

Si on utilisait la même quantité de diesel dans des couples chaleur-force avec une efficience d’environ 75 %, on obtiendrait une disponibilité nette énergétique de 160 GWh au niveau usager, soit exprimé en terme électrique la consommation privée d’une ville de 160’000 habitants. (considérant 4’000 kWh de consommation annuelle par ménage de 4 personnes, mais en réalité c’est à peine plus compliqué puisque dans la réflexion faite nous aurions simultanément de la chaleur pour x habitants et de l’électricité pour y, mais indépendamment du point de vue la réalité reste bien celle d’un gaspillage d’énergie colossal pour rien de plus ni de mieux).

Petite cerise sur le gâteau, les experts auront remarqué que je n’ai même pas évoqué la question de l’énergie grise qui serait investie dans la construction d’un tel tunnel. Or rien que le béton investi dans un tel projet à raison de 1850 kWh / m³ devrait largement dépasser les 250 GWh. Ne disposant pas de l’ensemble des données techniques (excavation, transport des déblais, équipements techniques, revêtement routier, éclairage, ventilation, entretien, …) je ne peux que faire une estimation grossière, mais je ne serais pas surpris qu’au final l’ensemble de l’énergie grise investie dans un tel projet soit dix fois supérieure à ce premier chiffre de 250 GWh soit pour le rendre palpable de l’ordre de grandeur de la production de la centrale nucléaire de Mühleberg pendant une année entière soit ± 2500 GWh ou encore la consommation annuelle électrique de 2’500’000 personnes.

Un gaspillage insensé qu’on vous dit !

Pour le prochain post sur le sujet, je vous parlerai du gros mensonge sécuritaire lié à ce 2ème tube.

Laurent-David JOSPIN

 

Source(s) :
Merci à Pierre Hainard pour l’idée de base (sans jeu de mot) et à Giovanni Tarantino ainsi que ma famille pour les précieuses relectures et critiques positives
Site web officiel du tunnel de base : https://www.alptransit.ch/fr/home/
Site web de la Confédération Suisse sur le Gothard : http://www.gotthard-strassentunnel.ch/Tunnelanlagen.22.0.html
The world’s most fuel-efficient production-series tractor-trailer: New Mercedes-Benz Actros: CO2 world champion, site web http://media.daimler.com : lien complet ici